
Nous voici aujourd’hui à l’entrée de la Semaine Sainte puisque nous célébrons le Dimanche des Rameaux et de la Passion. En cette fête, c’est fr. Jérémie-Marie, ordonné diacre en décembre dernier, qui nous partage l’homélie qu’il a prononcée au couvent Saint François de Cholet pour la messe dominicale. Nous le remercions de nous aider à nous préparer aux fêtes pascales. Nous le portons dans notre prière! Les textes médités sont accessibles ici.
Frères et sœurs bien-aimés, que le Seigneur vous donne sa paix et sa joie !
Je voudrais commencer par vous poser une question. Une question toute simple et pourtant fondamentale, alors que nous entrons dans cette Semaine Sainte. Cette question, je voudrais vous la poser avec le Seigneur Jésus, accueilli parmi les cris de joie, les chants de louange, et que nous accompagnerons pas à pas dans ce grand mystère de sa Passion. Cette question est si simple et pourtant, elle va venir vous titiller, peut-être même vous agacer, et j’espère de tout cœur qu’elle va susciter au fond de toi l’une de tes plus belles facultés, qui fait de toi un homme, un vrai, une femme, une vraie, et non pas un animal : Ta volonté… Mon frère, ma sœur tant aimé(é) par le Père : Es-tu heureux ? Es-tu heureux de vivre cette belle journée des Rameaux 2021, alors que l’an passé, tu étais coincé chez toi, contraint de suivre les évènements de cette Semaine qui a changé le monde depuis ton canapé ? Sens-tu cette joie, cette gratitude qui se réveillent dans ton cœur ? Parce qu’avant d’être ton choix, cette joie est un don, et c’est là tout le sens de cette Semaine ! Alors mon frère, ma sœur, que ton cœur soit plein de gratitude ce matin et toute cette semaine afin qu’au matin de Pâques, il soit prêt à exploser de joie comme le tombeau qui n’a pas pu garder la Vie en son sein !
Mais avant d’arriver à la Résurrection, il nous faudra, frères et sœurs, suivre Jésus, le suivre dans chacune des étapes de ce grand et unique mystère des Trois jours. Alors, pour y arriver, je te propose ce matin de te mettre dans la peau de celui qui, lors de son entrée dans Jérusalem était au plus près de Jésus : je te propose de te faire âne ! Pour certains, cela ne devrait pas être trop compliqué… Mais comme on ne force pas à boire un âne qui n’a pas soif, il faut que tu le choisisses, et peut-être que cette image t’aidera à venir boire au côté transpercé de Jésus, l’eau qui coule pour la vie éternelle. Peut-être que tu pourras ainsi t’approcher de Lui et te laisser toucher par Lui !
Mon frère, ma sœur, peut-être qu’encore une fois cette année, tu vas vouloir te plonger dans les jours de la Passion, en regardant le film de Mel Gibson. On y retrouve trois ânes…

Le premier (qu’on appellera l’âne A), c’est celui que Jésus monte, celui dont nous parle l’évangile que nous avons écouté au tout début de cette célébration. Jésus avait dit : “Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le et amenez-le”. […] “Ils amenèrent le petit âne à Jésus, le couvrirent de leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus”. Mon frère, ma sœur, imagine la docilité de cet âne, comme il se laisse faire, détacher, amener à Jésus, couvrir de manteaux, monter par Jésus… Dans le film de Mel Gibson, on le voit du point de vue de Jésus, simple et petit, avec ses grandes oreilles tournées vers l’arrière, attentif à la voix de Jésus… Il avance, calme et serein, et ses grandes oreilles, larges, nous rappellent celles du disciple dont nous parle Isaïe: “Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.” Alors cette année, si tu sautais du coq à l’âne. Du coq de ta fierté toute gauloise, qui, comme à Pierre, te rappelle tes reniements, à l’âne tout docile et obéissant, qui se laisse faire, se laisse conduire par les disciples, qui eux le conduisent à Jésus, comme tu es appelé à te laisser conduire par l’Église pour le rencontrer vraiment ! Dans les premiers siècles de l’Église, pour se moquer des chrétiens, on représentait Jésus crucifié avec une tête d’âne… Tu vois, même lui, et surtout lui, a été pris pour un âne, méprisé, pris en dérision, pour que tu n’aies plus peur d’en être un aux yeux du monde,… humble et à l’écoute, et puis racheté, comme ces ânes dont parle la Torah, racheté au même titre que les premiers-nés d’Israël pour faire mémoire de la Sortie d’Égypte ! Vois quel prix tu as à ses yeux, tout âne que tu es ! Et pour être cet âne A, oseras-tu te lever pour prier, pour consacrer un ou deux des quatre-vingt-seize quarts d’heure de ta journée pour commencer ta journée avec Lui et apprendre à reconnaître sa voix ? N’entends-tu pas les encouragements de la foule qui crie : Ose âne A, Ose âne A !

Et puis il y a l’âne B : celui que que Judas croise sur son chemin alors qu’il va se pendre. L’âne mort et rongé par les vers. L’âne qui n’a pas été racheté et auquel on a brisé la nuque… L’âne au sourire figé et cynique… L’âne bâté, têtu, qui ne bouge pas d’un poil, qui ne change pas, car c’est aux autres de changer… Mon frère, ma sœur, ne sois pas cet âne-là ! Oui, que le Seigneur par le mystère de sa Passion, de sa mort et résurrection, nous sauve de tout cynisme, surtout celui dû à la crise sanitaire que nous vivons. Qu’il nous sauve des péchés qui, comme des vers, nous rongent et nous conduisent à la mort !

Enfin, il y a l’âne C : c’est celui du grand prêtre au pied de la croix. C’est celui qui craint de prendre des coups, et s’agite au premier coup de vent… Laisse-toi mouvoir, non par la peur, mais par l’amour pour Celui qui t’a tant aimé ! Car ce n’est pas pour rire qu’il t’a aimé ! Et on ne donne pas sa vie à quelqu’un qu’on craint mais à quelqu’un qu’on aime. Eh bien contemple, contemple Jésus crucifié et vois de tes yeux, vois combien il t’a aimé !
Mon frère, ma sœur, ose ! Ose âne A ! A comme tellement aimé par Dieu qu’il a donné son Fils pour toi, car tu vaux tellement plus qu’un âne ! Ose entrer et demeurer avec Jésus souffrant dans le silence de sa Passion, et tu verras, tu arriveras jusqu’à la croix, et puis de là au matin de Pâques, à la joie de la vie sans fin qu’il promet à ton cœur d’enfant. Amen.