Nous poursuivons notre voyage à travers les stéréotypes et idées reçues sur nous, les frères franciscains. Une série initiée par nos frères italiens pour éclairer notre vocation et ‘tordre le cou’, parfois avec un brin d’humour, à certains préjugés que l’on peut entendre ici et là. Alors, précédemment dans notre blog, nous nous demandions s’il était vrai que : les frères restaient toujours enfermés au couvent (cf. ici) et que, hormis prier (cf. là), nous ne faisions rien de notre journée (cf. encore là). C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes réputés être toujours joyeux… (cf. ici) et que nous sommes tous vieux (puisque ‘ne rien faire, ca conserve!’ 🙂 (cf là). Aujourd’hui, stéréotype numéro 6 : est-il vrai que les frères n’ont pas de chauffage dans les couvents ?
Vous n’allez peut-être pas le croire, mais cette question nous a été posée… Certaines personnes pensent que nous vivons ‘dans la misère’, et d’autres dans l’opulence… C’est donc aujourd’hui l’occasion pour nous d’aborder une question délicate, celle de la pauvreté…. En effet, certains ont en tête l’image d’un saint François pauvre, habillé comme un mendiant, vivant dans les privations et les souffrances, et ils la comparent à celle du frère du XXIe siècle, à qui rien ne semble manquer… Alors que faire, que dire ? La question se pose d’ailleurs aussi pour nous : comment vivre aujourd’hui ce charisme particulier de pauvreté que François vivait ? Ou plutôt : que signifie réellement « pauvreté » pour François ? Et il s’agit d’une question importante, car nous avons chaque jour des choix de vie concrets à poser, et, dans chaque cas, il faut décider : combien dépenser ? Pour quoi ? Est-ce utile ? Pouvons-nous nous le permettre ? Il y aurait beaucoup à dire sur ce thème, mais le but de ces petits posts n’est pas de faire un traité. Alors nous partageons avec vous seulement deux aspects simples autour des deux « mots-clés » : la sobriété et la charité :
♦ La sobriété : Ce mot renvoie à un style de vie, qui n’est pas directement lié à la pauvreté, mais à la volonté de vivre dans le monde sans « prendre trop de place », en respectant les ressources, en cherchant à les partager avec ceux « qui manquent », en évitant le gaspillage… Nous vivons dans des couvents, qui sont souvent de grandes structures héritées du passé que nous devons préserver et gérer avec sagesse, et cela a un coût. Mais la Providence de Dieu qui se manifeste notamment à travers la générosité des gens ne nous abandonne pas et nous en faisons souvent l’expérience. Le risque de « s’approprier » les choses reste réel. St François nous a prévenus et nous a donné un antidote : tout vient des mains du Seigneur, tout doit Lui être rendu. Nous essayons donc de vivre de notre travail, de dépenser ce qui est nécessaire, et de redistribuer le reste. Il s’agit de garder à l’esprit que rien n’est à nous, que nous sommes ‘juste’ des intendants de ce que le Seigneur nous donne à travers la générosité de tous ceux qui nous aident.
♦ La charité : il faut ici comprendre la charité au sens de « attention affectueuse envers celui qui vit avec toi » et non à celui de « la petite monnaie donnée à quelqu’un dans la rue pour s’en débarrasser ». Il y a un épisode célèbre de la vie de François qui éclaire bien ce sujet :
« Un jour, un frère, homme de grande spiritualité et déjà depuis plusieurs années dans l’Ordre, était très affaibli et malade. François, en le voyant, en eut compassion. […] François se dit : “Si ce frère mangeait un peu de raisin mûr le matin, je crois que cela lui ferait du bien !” Un jour, il se leva à l’aube, appela discrètement ce frère, l’emmena dans la vigne voisine, et, ayant choisi une vigne pleine de belles grappes appétissantes, s’assit dessous avec le frère et commença à manger du raisin, afin que le malade n’ait pas honte de picorer seul. Pendant cette collation, ce frère louait le Seigneur Dieu. Et toute sa vie, il se rappela souvent, en pleurant d’émotion, ce geste affectueux du saint père envers lui » [CAss 5 ; FF 1549]
Vous voyez, François lui-même, qui vivait perpétuellement dans le jeûne et le sacrifice, suspend ses pratiques habituelles de mortification pour aider un frère à recouvrer la santé avec une grande délicatesse ! Voilà ce qu’est la charité fraternelle, voilà ce qu’est l’amour réciproque, « une valeur » qui passe avant toute décision de pauvreté.
Évidemment, vivre la pauvreté, jour après jour, n’est pas facile, et parmi nous aussi, certains peuvent se laisser « emporter »… Mais encore une fois, la fraternité est le meilleur antidote : elle nous pousse à tout mettre en commun, à nous aider mutuellement dans les choix du quotidien, pour essayer vraiment de vivre comme Jésus, tout pour les autres ! Notre vie consiste en ceci :
« Vivre l’Evangile sans rien en propre et dans la chasteté. »
Vous pouvez retrouver la version italienne de cet article ici et les quatre premiers épisodes de la série en Français [1] [2] [3] [4] [5] [6]. Pour mieux comprendre comment Saint François voyait la pauvreté, vous pouvez consulter aussi cet article.
