Il est vrai que notre vie de frère interroge, suscitant divers sentiments selon les personnes et de nombreux préjugés ou stéréotypes. Ce sont donc sur ces préjugés que nous revenons dans cette série d’articles en sept épisodes, initiée par nos frères italiens, et qui s’intitule ‘Est-il vrai que les frères…‘. La semaine dernière, nous nous demandions s’il était vrai que les frères restaient toujours enfermés au couvent. Réponse ici. Aujourd’hui, dans ce second épisode, nous abordons un autre préjugé : est-il vrai que nous, les frères passons tout notre temps à prier ?
« Mais est-ce vrai que les frères prient toujours ? » Ceux qui posent cette question sont généralement dubitatifs, pensant se trouver soit en face d’un super-héros (« mais alors, il ne décolle jamais de la chapelle? Ouaaahh, c’est extraordinaire! »), soit en face de quelqu’un qui passe sa vie à perdre son temps (« il pourrait quand même bien faire un vrai travail, non?? ») 😉
Alors, déjà, détruisons ce préjugé : NON, nous, les frères, ne prions pas tout le temps ! Mais peut-être faut-il déjà s’entendre sur ce que signifie ‘prier’. Et pour cela, prenons l’exemple de Saint François. Son premier biographe (qui l’a d’ailleurs connu personnellement), fr. Thomas de Celano, nous raconte comment il priait :
« Pour s’unir à Dieu de toute son âme et pour y faire participer aussi plus facilement tout son corps, il recherchait la solitude. Surpris en public par une visite du Seigneur, il faisait de son manteau sa cellule et plus d’une fois, faute de manteau, se cachait le visage derrière sa manche. […] Il se dérobait toujours d’une manière ou d’une autre aux regards des personnes présentes si bien que, même plongé au cœur d’une foule trépidante, il priait sans être vu. Enfin quand tous ces expédients s’avéraient impraticables, c’est de son cœur qu’il se faisait alors un sanctuaire. […] Il dialoguait souvent à haute voix avec son Seigneur : il rendait compte au Juge, suppliait le Père, parlait à l’Ami, plaisantait affectueusement avec l’Époux. […] Quand il s’appliquait ainsi […] à demeurer « dans la maison de Yahweh tous les jours de sa vie », ce n’était plus un homme qui priait, c’était la prière faite homme. » [Vita Secunda, 2Cel 94-95]
Cette dernière phrase dit déjà tout ! « Non pas un homme qui prie, mais la prière faite homme ! ». Il ne s’agit donc pas de renoncer à vivre pour ‘se forcer’ à prier, mais plutôt de vivre en faisant de sa vie une prière… Ainsi, pour nous, frères franciscains, la prière est l’un des trois piliers de notre vie avec la fraternité et la mission (cf. ici) : il n’y a pas de vie ou de vocation franciscaine sans prière. Et, en réalité, cher lecteur, il n’y a pas non plus de vie chrétienne authentique sans prière…
C’est pourquoi, plusieurs fois par jour, nous nous retrouvons ensemble pour des temps de prière communautaire : célébrer la messe, prier la liturgie des heures (laudes, vêpres, complies, etc.), le chapelet, l’adoration eucharistique, … La plupart de ces temps sont d’ailleurs aussi ouverts aux laïcs, donc n’hésitez pas à nous rejoindre si vous habitez près de l’un de nos couvents! Nous avons également des temps de prière personnelle où nous pouvons méditer l’Évangile du jour et être seul avec le Seigneur. Cela représente trois à quatre heures de prière réparties tout au long de la journée pour que justement celle-ci soit rythmée par le Seigneur (cf. ici).
Et toutes nos autres activités (mission, vie fraternelle) s’ordonnent autour de ces temps de prière, sans lesquels elles deviendraient vaines et perdraient leur sens. Jésus nous l’a bien dit : ‘Sans moi, vous ne pouvez rien faire‘. Ainsi, nous, les frères, faisons bien d’autres choses que simplement ‘prier’, chacun selon le lieu où nous sommes en communauté. Cependant, à l’image de notre Père fondateur, nous désirons ‘demeurer dans l’Amour du Seigneur’ de sorte que notre vie devienne prière. Bien évidemment, aucun de nous n’est Saint François mais son exemple nous encourage et nous inspire! Voici, pour conclure, ce que fr. Thomas de Celano écrit à son propos :
« Les frères qui vécurent avec lui savent avec quelle tendresse et douceur, chaque jour et continuellement, il les entretenait de Jésus. Sa bouche parlait de l’abondance de son cœur. […]. Que de rencontres entre Jésus et lui ! Il portait Jésus dans son cœur, Jésus sur ses lèvres, Jésus dans ses oreilles, Jésus dans ses yeux, Jésus dans ses mains, Jésus partout. […] En voyage aussi, très souvent, à force de méditer et de chanter Jésus, il en oubliait sa marche et invitait tous les éléments à louer Jésus avec lui. » [Vita Prima, 1Cel 115]
Que le Seigneur nous accorde — en ce temps d’attente du Saint Esprit — de vivre nos journées ainsi, en contact avec le Seigneur, toujours. Et de goûter comment toutes les choses ordinaires de la vie prennent alors une couleur et une saveur extraordinaires ! N’oublions pas : il n’y a pas de vie chrétienne authentique sans prière : à chacun de donner du temps au Seigneur selon les possibilités de son état de vie! Confiance : il suffit de démarrer et Lui fera le reste!
Vous pouvez retrouver la version italienne de cet article ici et le premier épisode de la série en Français là. Et dans la vidéo ci-dessous, fr. Clément vous explique notre vie plus en détails :
